Volontariat #2 - San Miguel de Allende
- M&S Brichart
- 21 févr. 2018
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 oct. 2018

En ce beau dimanche 4 février nous sommes attendus de pied ferme par Sabrina S., une américaine de 57 ans installée à San Miguel de Allende depuis déjà 28 ans. Le projet : l’aider à rénover/construire/aménager une maison qu’elle a acheté dans un quartier populaire de la ville et où elle souhaite s’installer prochainement.
Cette seconde expérience de volontariat, trouvée à nouveau via la plateforme Helpx, s’annonce encore une fois tout à fait singulière. Sabrina, dont nous faisons le portrait par ailleurs, vit sa vie comme elle seule l’entend et sans tabous. Aucun. Tantôt business woman, tantôt bagpackeuse, c’est les bras grand ouverts qu’elle nous accueille dans une jolie maison qu’elle loue et partage avec son petit compagnon Scamp. Un genre de milou qui boitte et dort tout le temps en faisant un bruit pas possible, normal à 16 ans. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à profiter de l’endroit. Robbie, un retraité de 78 ans, originaire de Boston, ancien banquier de Wallstreet, loue une chambre auprès de Sabrina pour 3 mois, le temps de laisser passer les durs mois d’hiver nord américains. D’une santé de fer et à la langue bien pendue, Robbie s’enquiert régulièrement de nos activités et partage avec nous ses prouesses au tennis avec ses camarades en villégiature dans la ville. Sacré Robbie.
Avant de vous parler de notre expérience, quelques mots sur San Miguel de Allende, une ville pas tout à fait comme les autres au Mexique. En effet, ici la concentration de gringos, principalement américains, explose tous les scores. A peine avons-nous mis le pied à terre que nous comptons un nombre improbable de retraités aux cheveux grisonnant et bien coiffés se promener dans le très propret centre historique de la ville. La plupart d’entre eux viennent ici vivre la belle vie pour quelques mois ou à l’année et s’adonner à leurs passions : tennis, yoga, danse, musique, gastronomie, galeries d’art, ateliers de tout type. Il faut bien admettre de San Miguel de Allende est une ville absolument charmante dont le climat se prête parfaitement à des vacances prolongées. Mais tout de même, nous sommes frappés de voir à quel point la présence de cette population plus aisée que la moyenne mexicaine à conditionner et façonner cette petite ville. Dans le centre historique, pas un papier par terre, peu de personnes désœuvrées et surtout une succession de restaurants, d’hôtels, de bars, de boutiques et de galeries d’art de haut standing. Les façades des maisons sont parfaitement rénovées et peintes de manière harmonieuse, ce qui change de la spontanéité voire de la vétusté qui caractérisent la majorité des villes mexicaines, toutes jolies pour autant. C’est loin d’être désagréable mais c’est assez déroutant. Evidemment, il y a aussi des Mexicains dans le lot, mais nous sentons bien que la classe plus populaire ne se retrouve pas ici. Celle-ci se concentre dans les quartiers périphériques plus précaires, là même où habite Sabrina. Grâce à elle, nous percevons une autre réalité, plus simple, plus mexicaine mais aussi plus perchée et paradoxale, à l’image de sa personnalité quelque peu fofolle.
Nous restons une semaine à San Miguel de Allende, pile assez de temps pour vivre des expériences nouvelles et étonnantes avec notre hôte infatigable. D’un tempérament pas forcément évident au premier abord, surtout en raison d’un sens de l’organisation quasi égal à zéro et d’un grand besoin d’attention. Il nous faut trouver nos repères et nous adapter à cette lionne newyorkaise. Mais son enthousiasme à toutes épreuves nous fait vite prendre le pli et apprécier sa compagnie.
La maison de Sabrina (où nous logeons) se situe en hauteur par rapport au centre ville (environ 15 min à pied) dans un quartier assez populaire qui a longtemps souffert d’une mauvaise réputation. Elle est la seule étrangère à y habiter, du moins pour le moment. Le soir de notre arrivée, nous discutons jusque tard, Sabrina est une véritable pipelette. Elle nous raconte mille histoires et nous partage sa vision du monde à mi chemin entre mode de vie hippie (#majiruanastyle #greenjuice #yoga4ever) et entrepreneuriat conquérant. Un mélange plutôt électrique entre Doc Gyneco et Steve Jobs.
Lundi matin très cool puisque Sabrina part à son cours de yoga. Il est finalement midi quand nous partons enfin à bord de sa Crysler Cruiser couleur canari qu’elle surnomme affectueusement « Yellow submarine », direction le chantier. Et effectivement, c’est un beau bazar dans lequel il reste presque tout à faire. Pas de salle de bain ni toilette en dur, un semblant de séjour/cuisine et une chambrette constituent l’ensemble du bâtiment existant, entouré d’un jardin en friche. Sabrina souhaite que nous aménagions définitivement la chambre pour que nous puissions nous y installer le vendredi suivant. Nous entreprenons de vider la pièce, traçons une frise sur la partie basse de la pièce, à la mode mexicaine que nous peignons par la suite. Pas très compliqué. Nous avons la visite de Ryan, le frère complètement perché de Sabrina qui vit apparemment dans un garage avec un budget de 1 dollar par jour. Il nous apporte une « expérimentation », un genre de dessert cuisiné avec les moyens du bord puisqu’il n’a pas de matériel (four, cuisinière), nada. Le résultat est assez improbable (superposition de pancakes, de couches de chantilly, de mangue, de goyave et d’ananas emballée dans de l’alu), et il faut l’avouer peu engageant. Mais c’est l’intention qui compte. Pendant ce temps, Sabrina est allée chercher du matos pour le lendemain. Pas de bol, c’est férié ! Elle rentre donc bredouille après plusieurs heures d’absence. Nous comprenons vite que la quantité de travail ne va pas être démentielle et le rythme très despacito.
Le soir, nous partons prendre l’air dans le centre alors que Sabrina élabore une playlist pour la séance d’Estatica Danza qu’elle anime mercredi soir et à laquelle nous sommes chaleureusement conviés. Le nom est assez évocateur de ce qu’est l’évènement, genre d’atelier thérapeutique par la dance (estatica = extase). Très demandeuse d’inspiration, nous lui faisons glisser Tout est magnifique de Jacques dans la playlist. Nous avons hâte d’y être.
Mardi matin, Sabrina nous initie au Yoga avant de prendre le petit déjeuner et d’aller travailler. C’est très chouette bien que Scamp continue de nous renifler les pieds en couinant. L’après-midi, atelier ponçage de meubles et application d’enduit sur le mur de la chambre. Avant de rentrer, nouvelle initiation, mais cette fois au scooter, pousser par les encouragements de Sabrina qui n’en finit pas de nous étonner.
Le jour suivant c’est une vraie séance de yoga qui nous attend. Sabrina nous amène avec elle chez sa prof pour une séance plus intense que la veille. (Simon scotche tout le monde en réalisant des portés plutôt physiques). Nous faisons la connaissance autour d’un thé de quelques autres « yogistes » très sympas, mexicains et étrangers. Après le petit déjeuner, nous délaissons « yellow submarine » pour les scooters et nous nous rendons au chantier pour travailler quelques heures. Nous nous contentons de vernir les meubles et d’aménager l’espace. Sabrina est très excitée car ce soir c’est « estatica dance ». Elle s’en va plus tôt en nous donnant quelques recommandations « histoire de » et nous attend à 18h pétantes pour 1h30 d’extase !
Et attention, c’est du lourd. Ici le ridicule ne tue pas, il vous fait du bien. Bien que nous arrivions un peu en retard, nous sommes rapidement pris dans la vague. Une vingtaine de personnes, principalement des femmes d’un certain âge, se meuvent de manière totalement désarticulée et spontanée sur des morceaux tantôt de triphop, tantôt d’électro ou de psyché. Alors que certains se roulent au sol en se tapant la tête ou reproduisent des pas de danse classique, d’autres font des bonds ou imitent des mannequins défilant sur un podium. Pieds nus, les yeux souvent fermés, chacun s’exprime comme il le sent. La grande salle de parquet dans laquelle a lieu la séance est couverte sur l’un de ses murs de miroirs et sur toute sa circonférence de barres de porté dont chacun peut user à sa guise. C’est un espace qui se prête naturellement à la danse mais a priori pas tellement à ce genre là. On se croirait plutôt dans une Rave party où quelques cachetons auraient été consommés. Finalement la musique s’arrête et tout le monde redevient normal ou presque. Nous nous mettons assis en cercle en nous tenant les mains et entamons un tour de présentation, à la suite de quoi chacun est invité à prendre la parole s’il le désire. La séance se conclue par 3 Home. Difficile de transmettre le sentiment que nous a inspiré cette expérience pour le moins atypique, mélange de contentement et de circonspection. Très honnêtement, c’était vraiment marrant.
Nous filons ensuite diner avec quelques aficionados de la danse estatique au comptoir d’une gargote sur une jolie placette. Ce soir, Sabrina nous fait faire la tournée de ses bars favoris. D’abord un petit tour au House of blues, pour écouter un concert de blues, bien sûr, en sirotant des margaritas. Il règne une bonne ambiance dans ce petit pub plein de vieux américains au look texan, visiblement habitués du lieu. Connue de tous, Sabrina assure le show ! Et ça n’est que le début. Nous prenons la direction d’un autre bar, le Johnny’s dont Sabrina est plus ou moins la copropriétaire. L’atmosphère est bien différente dans cette pièce aux murs matelassés, aux sièges en cuir rouge et à la lumière tamisée, dans laquelle trône un immense piano noir brillant. Le patron et le pianiste, tous deux complètement alcoolisés nous régalent de plusieurs interprétations de Léonard Cohen et d’autres blues men. Le public, pas très nombreux est conquis. Le gendre du pianiste accompagne en impro les deux comparses avec sa clarinette, bientôt rejoint par Dany, le crush de Sabrina, de 25 ans son cadet, qui ramène sa flûte à bec. Nous vous laissons imaginer la scène. Ca pourrait passer pour du David Lynch tellement c’est perché. Nous faisons connaissance avec les uns et les autres en toute simplicité. Finalement, Sabrina se lance et interprète Summer Time d’une voix sensuelle dans l’espoir de faire chavirer Dany. C’est trop drôle.
Nous quittons la fête un peu épuisés après cette journée chargée en émotions. Point positif, le lendemain c’est day off, Sabrina, pas très fraiche de la veille, nous amène dans des bains d’eau chaude à moitié enterrés dans le sol. Le décor est magnifique et paisible, c’est le pied. Une fois rentrés, nous partons au cinéma en amoureux pour aller voir Forma de Agua de Guillermo del Torro. Encore une activité que nous n’avions pas eu l’occasion de faire depuis un moment. C’est agréable de renouer avec des choses du quotidien. Nous apprécions bien de ce petit moment à deux.
Le lendemain c’est la première fois que nous nous réveillons avec un ciel gris menaçant. La pluie ne tarde pas à tomber ce qui n’arrange pas les choses. Sabrina est partie à sa troisième séance de yoga de la semaine (addict). Nous mettons un peu d’ordre dans la maison car Sabrina accueille un Airbnb, comme presque tous les weekends. Histoire de mettre un peu de de beurre dans les épinards. L’après – midi nous déménageons dans la maison en chantier pour y passer les 2 prochaines nuits avant de partir pour Mexico City dimanche matin. Nous devisons un long moment avec Jésus, un vieil ami mexicain de Sabrina qui lui donne un coup de main précieux dans le gros œuvre. Il arbore constamment un sourire malicieux trop mignon, auquel il manque tout de même quelques dents. Il est très attachant. Sabrina file à ses occupations. A partir de maintenant nous la jouons solo ou presque.
Nous revoyons une dernière fois Sabrina le lendemain matin après qu’elle nous ait proposé d’aller saluer sa mère et de nous déposer dans une réserve naturelle à proximité. Ses parents, tous deux artistes, se sont installés il y a trente ans à San Miguel pour leurs vieux jours. Leur maison, tout en longueur est unique en son genre. Jaune, chaleureuse, verdoyante, c’est un petit havre de paix. Loin de la bicoque actuelle de Sabrina ! Le papa est décédé il y a peu, mais la maman est encore en pleine forme et charmante. Nous partons nous promener dans la réserve naturelle ou nous admirons des centaines de variétés de cactus. Nous terminons cette semaine en nous baladant dans le centre, où il règne une grand agitation. Beaucoup de Mexicains viennent de la capitale pour passer le weekend au vert. Deux sorties de mariages dans deux églises différentes attirent particulièrement notre attention. D’un côté, mariage très bling bling avec wedding planner, talons de 15 centimètres, drone et 10 photographes pour capturer chaque instant. Impressionnant ! De l’autre côté, un mariage un peu plus typique bien que très chicos entre une mexicaine et un américain. La sortie est animée par une belle troupe de mariachis et des marionnettes géantes à l’effigie des jeunes mariés. Décidément San Miguel de Allende tient sa réputation de ville « aisée ++ ».
Nous ne regrettons pas ce séjour prolongé qui nous a permis de souffler et de rencontrer de belles personnes. Ce sont les batteries rechargées que nous filons vers la capitale mexicaine où nous attendent Romina et Angel, nos couchsurfeurs.
Stay classy San Miguel !
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