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  • Photo du rédacteurM&S Brichart

Sri Lanka #2 - Un petit goût d'inachevé

Dernière mise à jour : 9 nov. 2018



Aujourd’hui peuplé d’une vingtaine de millions de personnes, le Sri Lanka est un pays multiculturel et multi ethniques. Chargé d’une histoire coloniale intense, ce petit bout de terre aura longtemps été convoité par les puissants, d’abord portugais, hollandais, arabes et enfin anglais avant de retrouver finalement son indépendance en 1960. Pour faire simple, la population Sri Lankaise est constituée à 75% de cinghalais bouddhistes, le bouddhisme étant la religion d’Etat et à 15% de tamouls, prononcés ici tamils, de confession hindouiste. Les 10% restants sont musulmans et une infime partie chrétiens. Cette précision a de l’importance puisque jusqu’en 2009 une véritable guerre civile a déchiré séparatistes tamouls, plus connus sous le nom des Tigres Tamouls, et le gouvernement à dominance cinghalaise, traumatisant les Sri Lankais des deux bords. Pendant 25 ans, attentats et répression sanglante ont tenu le pays en alerte. Le conflit s’est finalement stoppé en 2009 dans l’ultra violence et dans des conditions encore obscures avec l’encerclement puis l’attaque par l’armée de zones habitées par la population tamoule dans le nord du pays. Près de 100 000 personnes sont mortes et des milliers ont fui le Sri Lanka pour échapper à cette guerre meurtrière dénoncée sur la scène internationale de l’époque. Pour autant, les puissances voisines et occidentales se sont bien gardées d’intervenir à visage découvert. Depuis plusieurs années, l’Inde mais surtout la Chine mettent peu à peu la main sur ce pays et jouent leurs cartes pour s’assurer des alliés complaisants à la tête du Sri Lanka. Ainsi donc et bien que la guerre civile soit terminée depuis près de 10 ans maintenant, des tensions et des désaccords persistent entre ethnies et mouvements politiques.


Pour deux voyageurs comme nous, il n’est pas facile de constater ces aspects de la vie sri lankaise puisque les gens ne s’en ouvrent pas franchement auprès de nous. D’autant qu’il est difficile pour nous de comprendre le cinghalais ou le tamoul sur les affiches ou à la télévision et à par quelques sri lankais, l’anglais n’est pas très bien maitrisé par la majorité. Sujet sensible, nous n’osons pas forcément questionné les uns les autres de peur de les mettre dans l’embarras.


A par avec Sampath à Nuwara Elyia, il ne nous a jamais été fait mention de la guerre civile ou d’éventuelles tensions depuis notre arrivée. Sampath nous présente assez grossièrement la situation du pays, la localisation des ethnies, les religions et les relations entre elles. Il nous fait part de ses souvenirs et de son traumatisme personnel tout en nous expliquant que ça c’est bien calmé et qu’aujourd’hui cinghalais et tamouls se mélangent et se tolèrent très bien mais dans certaines limites tout de même. On lit chez lui une petite méfiance à l’égard des tamouls et des musulmans dont il a l’air de pensé que si tensions il y a, ils en sont les responsables. Mais on imagine que ce doit être le même mécanisme de pensée chez les autres. Ainsi, bien que la région de Jaffna dans le nord soit désormais ouverte à tous et pacifiée, les cinghalais s’y aventurent encore assez peu et l’intégration des tamouls dans le reste du pays n’est pas forcément évidente non plus. En réalité, malgré l’unité du pays et les interactions certaines, le communautarisme semble rester de mise au Sri Lanka. Et qui dit communautarisme dit jeux de pouvoirs et tractations à la tête de l’Etat pour faire valoir sa communauté. Rien de nouveau sous le soleil, à ce petit jeu, tous les pays du monde s’entendent.


Cela nous ramène à l’actualité toute fraiche du Sri Lanka. Il y a une semaine, le président Sirisena a décidé, soudainement, de limoger l’actuel chef du gouvernement Wickremesinghe, pourtant à la tête d’une majorité parlementaire, et de le remplacer par l’ancien et controversé président du Sri Lanka Rajapakse, tout en suspendant le Parlement. Marqué par de multiples violations des droits de l’homme, de disparitions de journalistes, de népotisme, de corruption et surtout par la campagne militaire brutale qui s’est traduite par l’écrasement sanglant de l’insurrection des Tigres Tamouls, le règne de Rajapakse n’a pas laissé que de bons souvenirs. De plus en plus populaire au sein de la population cinghalaise bouddhiste, sa nomination en tant que Premier Ministre a été plébiscitée par toute une frange de la société alors que le reste de la population et de nombreux observateurs internationaux dénoncent une manœuvre non constitutionnelle. Des manifestations de soutien aux « deux premiers ministres » se sont organisées chacune de leur côté et les partisans de Rajapaksa ont pris le contrôle des médias publics. Des heurts ont eu lieu avec les forces de l’ordre mais pas entre belligérants pour le moment. Cette crise politique fait resurgir le spectre des tensions inter communautaires alors que les forces en présence cherchent à se maintenir aux affaires publiques par le biais de tentatives de corruption de membres de groupes adverses, d’alliances fumeuses et de manipulation de l’opinion publique. La situation est donc très confuse à nos yeux et l’issue incertaine. On voit des portraits de Rajapaksa sur des vitrines, des maisons et des bus mais le quotidien des sri lankais ne nous parait pas bouleversé. Pas trop de démonstrations de soutien à Wickremesinghe, mais nous sommes dans une région cinghalaise, ce doit être différent dans le nord ou à Colombo. Et puisqu’on ne comprend rien à la télévision ou dans les journaux papiers, cela nous empêche de prendre réellement la mesure de ce qui se trame. La situation est suspendue au vote du Parlement, qui doit déterminer si oui ou non il accorde sa confiance à l’un ou à l’autre des deux supposés premiers ministres actuels. Fake news et machination au programme, sale histoire.


Mais toujours est-il que nos 10 derniers jours se sont bien passés malgré cette actualité brulante. Après les montagnes du centre, nous nous dirigeons vers le sud pour une dernière semaine au bord de l’eau.



Tissamaharama, au bonheur des oiseaux


Après une grosse journée de transport, serrés comme des sardines dans des bus bondés où des enceintes de piètre qualité crachent souvent une musique dont nous dirons seulement qu’elle n’est pas à notre goût, on se réjouit d’arriver à Tissa. Si la plupart des personnes viennent ici pour la proximité du lieu avec le parc national de Yala, où s’organisent des safaris à la pelle, pour notre part nous y faisons escale pour les nombreux lacs qui l’entourent et dans lesquels vivent une multitude d’espèces d’oiseaux et autres mammifères. Autant dire qu’on ne fait pas vraiment le beurre des gars du coin qui cherchent à remplir leurs jeeps rutilantes. Tant pis, nous ne verrons pas de léopards, par contre on profite d’une longue balade à l’extérieure de Tissa qui nous fait passer par plusieurs lacs entourés de champs et de rizières absolument magiques. Alors que les paysans s’attèlent à leur travail au champs, pioches et pèles à la main, on observe partout des oiseaux, martin pêcheurs, paons, perroquets, poules d’eau, hérons, perruches, des buffles d’eau, des varans, des grenouilles et même des serpents qui foisonnent autour de nous. Des milliers de chauve-souris taille XXL ont élu domicile sur une dizaine d’arbres au bord d’un des lacs desquels elles prennent leur envol en déployant leurs ailes immenses, même en plein jour. A défaut de surhomme, ce sont des sur chauve-souris ! Un peu glauque tout de même. A part nous et les paysans, y’a pas grand monde si ce n’est un petit groupe de personnes en plein shooting photo de mariage. On en voit tout le temps au Sri Lanka et c’est toujours assez drôle à regarder. Kitch et romantique au possible, ca ressemble à une séance de torture pour les deux tourtereaux du jour.



Tangalle et Hiriketiya, on se la coule très douce


Moins portés par l’idée de passer la journée allongés au bord de l’eau, on décide tout de même d’aller faire un tour du côté de Tangalle d’abord, puis de Hiriketiya, deux stations balnéaires encore très tranquilles à cette période de l’année mais apparemment prises d’assaut à partir de décembre. Sans surprise, il n’y a pas quantité de choses à faire si ce n’est lézarder sur la plage à la recherche de coquillages, se rafraichir dans une eau translucide, surfer ou se promener dans les alentours et regarder les nombreux pêcheurs en pleine action. Là aussi les Sri Lankais nous accueillent avec le sourire, et ici encore plus qu’ailleurs, l’activité tourne entièrement autour du tourisme. Très touchés par le Tsunami de 2004, certaines ruines attestent encore de la catastrophe humaine, écologique et économique dont a souffert la population locale. On ne peut pas s’empêcher d’imaginer la scène surtout après en avoir parlé avec le jeune patron d’un petit restaurant, dont la vie parait avoir pris un tournant ce jour là et qui essaye depuis de reconstruire ce qu’il a perdu. On s’aventure pas trop sur les questions trop intimes, mais on sent que ce n’est pas facile, forcément. A Tangalle, on profite d’une lagune envahit de mangrove pour aller faire un tour en kayak. On se retrouve une nouvelle fois tout seuls et profitons du calme de l’endroit. On passe à travers des couloirs d’eau enfoncés dans la mangrove où l’on croise plusieurs varans malais qui nagent à la surface de l’eau et des familles singes qui passent de branche en branche. Alors que des poissons font des bons au-dessus de l’eau pour on ne sait quelle raison, des oiseaux au long cou plongent dans les eaux brunâtres pour aller chercher leur nourriture avant de se faire sécher au soleil toutes ailes déployées. Instant assez extraordinaire, alors qu’on s’introduit tout juste dans un des couloirs d’eau, on tombe nez-à-nez avec deux varans malais en plein ébats. Très imposants, il font dans les 2 mètres de long et s’accrochent l’un à l’autre un peu comme dans un combat de boxe. Ils se tortillent dans tous les sens, se coulant mutuellement tout en évoluant dans l’eau. Depuis notre petit kayak jaune on observe la scène qui dure un bon moment. On apprendra par la suite que cette technique de reproduction assez brutale en apparence permet en réalité au mâle de se protéger d’éventuels coups que pourrait lui donner la femelle. Pour cela il l’enserre solidement de ses pattes. En tout cas, c’était beau et impressionnant.


Depuis Hiriketiya, on part vadrouiller en scooter dans l’arrière pays pour aller visiter un rocher dans lequel plusieurs grottes abritent des statuts allongées du Bouddha. Après s’être perdus au milieu des rizières malgré les indications de quelques locaux, on arrive enfin au lieu dit. Une forêt de cocotiers encercle le haut rocher dont l’ascension se fait par étapes, au fur et à mesure des cavités. Chacune d’elles est entièrement peinte avec de jolies fresques racontant la vie de Bouddha ou bien par des motifs colorés. De grandes statues allongées et dorées du Bouddha tiennent toute la longueur de chaque cavité, elles peuvent faire 5 à 6 mètres. On retrouve d’ailleurs ce type de statut ou de temple un peu partout sur le territoire. Dès lors qu’on est un peu en altitude, on voit émerger d’entre les arbres quantité de dômes blanc ou de Bouddha géants. Mais il est plus rare que les temples soient aussi spectaculaire comme celui-ci. Quant aux temples hindous, bien qu’on en voit beaucoup de petits, notamment à l’intérieur même des temples bouddhistes, les plus imposants se trouvent au nord, où nous n’aurons pas le temps de nous rendre.



On ne l’a pas encore mentionné mais ici comme dans la région centrale du pays, le Sri Lanka brille aussi grâce à ses habitants dont les tenues rivalisent de couleurs et de classe. C’est plus gai que chez nous ! La plupart des femmes continuent d’arborer des saris aux tissus chatoyants agrémentés de bijoux pimpants. Toutefois, selon les occasions, il n’est pas rare qu’elles optent pour des tenues plus simples et blanches, plus dans le ton de la religion. Les hommes quant à eux portent chemises et sarong, sorte de grand morceau de tissu à carreaux, à rayures ou tout blanc qu’ils nouent autour de leur taille. Tout ce petit monde ne se balade qu’en tongs ou pieds nus. Les moines bouddhistes se repèrent facilement puisqu’ils portent une tunique orange déclinée dans plusieurs teintes mais tout de suite repérable. On croise également des musulmans et quelques chrétiens aux codes vestimentaires assez similaires mais qui marquent tout de même leur différence.


Autre aspect essentiel de la culture sri lankaise, sa gastronomie. Autant vous dire qu’on ne s’est pas laissé mourir de faim. La noix de coco que l’on retrouve partout au bord des routes vient parfumer de nombreux plats savoureux, en sauce ou frits. Riz à gogo, patates douces, courges, lentilles, soupes, fruits juteux, galettes en tout genre, il y a de tout pour se régaler. Rares ont été nos déconvenues, même s’il faut bien avoué qu’on s’est quelques fois étranglés sur une bouchée un peu trop épicée. Mention spéciale pour le kottu, plat typique sri lankais dont on ne ressort jamais complètement indemne.



Galle, l’héritage portugais


C’est avec Galle que l’on conclu ce mois au Sri Lanka, ancienne place forte portugaise puis hollandaise, puis anglaise n’ayant rien perdu de son charme colonial. On assiste sur place au tournage d’un épisode de Asia Express version roumaine ou hongroise en se promenant dans la vieille ville. On profite depuis les remparts d’une énième séance de cricket amateur dont les sri lankais sont archis fans pendant qu’un badaud nous ausculte les pieds pour nous vendre ses massages. Apparemment Simon a un pied droit complètement difforme.


On fait le bilan de ce dernier mois passé ici et on se dit qu’on a comme un goût de pas fini. Alors même qu’on a profité de magnifiques paysages et de la gentillesse de ses habitants, on regrette de ne pas avoir pu comprendre plus en profondeur l'essence de ce pays. Ce qui est un peu frustrant par rapport aux pays d’Amérique Centrale, c’est qu’ici on a pas les bonnes clés pour décrypter l’environnement culturel et social. Alors qu’au Mexique ou en Colombie, pour ne citer qu’eux, bien qu’il existe des différences culturelles certaines avec nous, il est relativement aisé d’identifier ces différences et de les expliquer (excéptées les communautés indigènes). La culture occidentale a profondément imprégné ces pays d’Amérique Latine et sans juger du bien fondé de cet état de faits, en tout cas ça en facilite grandement la compréhension. Au Sri Lanka, on a pas eu ce même rapport à la culture et aux gens. Aussi adorables et bienveillants qu’ils soient, on sent souvent qu’ils n’osent pas s’aventurer dans des conversations ou des explications plus approfondies. Sont-ils conscients du fossé culturel entre eux et nous ? Sont-ils gênés à l’idée de nous parler d’eux ou est-ce seulement par pure timidité ou incapacité linguistique ?


Ils n’en restent pas moins des personnes extrêmement chaleureuses et accueillantes très fières de leur pays et très heureuses de voir que des étrangers viennent du monde entier pour le visiter. On espère donc trouver les clés d’apprentissage pour en savourer l’intégralité une prochaine fois. Peut-être faudrait-il qu’on se mette au Cinghalais ?


Top départ pour l'Inde.



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