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  • Photo du rédacteurM&S Brichart

Chine #1 - La surprise chinoise

Du 1er au 11 avril



Ca n’est pas sans une certaine émotion que nous abordons l’ultime pays de cette aventure au long cours. Et quel pays ! La Chine ! Non prévue initialement, l’idée a germé en même temps que l’envie de percer le mystère chinois qui n’a pas cessé de se rappeler à nous toute cette année. On va enfin apercevoir la réalité de cette immensité géographique surpeuplée, dont nous fantasmons l’histoire et la culture mais surtout l’incroyable développement des dernières décennies qui a totalement rebattu les cartes de l’ordre mondial établit. Aussi paradoxale qu’intrigant, le système chinois nous questionne. A cheval entre libéralisme économique galopant et communisme politique autoritaire, nous sommes impatients de nous immiscer dans ce pays et de nous confronter à sa population et ses valeurs.

Malheureusement, faute de temps, nous ne pouvons espérer en faire le tour. Nous ne verrons pas les villes ultra-modernes et tentaculaires de l’Ouest de la Chine où se reflète le développement triomphant du géant chinois, mais aussi les conséquences moins heureuses qu’il implique, ni les plaines centrales et le Nord qui nous font pourtant de l’œil. Pour le mois qui nous reste, nous posons notre dévolu sur la province du Yunnan, territoire grand comme 2/3 de la France, jouxtant la Birmanie, le Laos et le Vietnam. En grande partie montagneux, le nord du Yunnan faisait il n’y a encore pas si longtemps partie du Tibet.

Porteuse d’une culture propre et présentant la plus grande diversité ethnique du pays, la province du Yunnan ne s’est pas développée au même rythme que le reste de la Chine et offre à ses visiteurs de découvrir la Chine ancestrale dont les récits peuplent notre imaginaire. Cette province si particulière n’est pour autant pas oubliée des autorités. L’Etat aménage peu à peu les paysages pour accueillir des autoroutes, des tunnels, des viaducs et des lignes de train à grande vitesse qui viennent bouleverser les modes de vie locaux. Située sur l’une des nouvelles routes de la soie, projet d’une ampleur sans commune mesure dont l’Etat chinois est l’instigateur, le Yunnan que nous voyons et admirons aujourd’hui ne sera peut-être plus le même dans 5 ans. Mais pour l’heure, c’est une véritable claque que l’on se prend en découvrant cette région après avoir dépassé le chaos de la frontière avec le Laos. Sur des kilomètres, des dizaines et des dizaines de bulldozers engloutissent montagnes et forêts, dégageant une poussière rouge nous projetant dans un décor de film de science-fiction. Des files immenses de camions chargés de marchandises nous accompagnent. Nous voilà en Chine.


Après un dernier racket évité côté laotiens, on est frappés par la modernité du poste frontière chinois complètement automatisé, des écrans télé passants des films à la gloire de la douane chinoise. Les premiers pas en Chine se font sans impaires bien que la barrière de la langue complique un petit peu les échanges. Mais peu importe, on est trop contents d’être enfin là.



Jinghong, nos premiers pas


Petite bourgade de 600 000 habitants, Jinghong nous surprend d’entrée de jeu. Moderne, organisée, propre, ses terres pleins et trottoirs regorgent de végétation. Nous qui pensions trouver des rues remplies de monde et de véhicules, nous pouvons d’ores et déjà mettre de côté nos aprioris. C’est ici que l’on appréhende vraiment notre nouvel environnement où l’anglais est inexistant. Quand notre prononciation fait défaut nous alternons google traduction et gestuelle avec plus ou moins de succès. Le plus souvent nos interlocuteurs nous répondent en chinois ce qui est marrant mais pas très pratique. Dans les gargotes nous pointons du doigt les images quand il y en a ou alors nous désignons le plat du voisin. On laisse parfois sa chance au hasard en croisant les doigts pour ne pas tomber sur un truc qu’on ne pourrait pas assumer. Certains mets chinois allant bien au-delà de nos capacités. A Jinghong, après la surprise de nous voir les gens entament rapidement la conversation comme si de rien n’était. Et malgré nos yeux écarquillés et nos grands sourires qui veulent dire « désolé on ne comprend pas un mot de ce que vous dites » ils peuvent continuer comme ça un bon moment jusqu’à ce qu’ils percutent enfin qu’on est complètement paumés. Ca fait rire tout le monde.



C’est ici, en nous baladant dans les rues ou en nous attardant dans le parc que nous observons nos premières séances collectives de danses/gymnastique où se rejoignent principalement le 3ème âge. En réalité, ces chorégraphies de groupe exécutées sur de la pop chinoise ont lieu absolument partout (au Yunnan en tout cas), sur les trottoirs, devant des magasins, sur des places, dans les parcs. C’est visiblement un fait culturel très populaire qui rassemble les hommes comme les femmes. On passe également au marché central, la vitrine par excellence des us et coutumes gastronomiques. On y trouve toutes sortes d’étrangetés comme des serpents et d’énormes sacs de grosses grenouilles qui gesticulent comme des folles et que le vendeur préparent encore vivantes. On retrouve aussi les raviolis chinois, les multiples soupes de nouilles, les pains vapeurs garnis de viande et mille et unes autres fritures appétissantes. Certaines rues sont entièrement dédiées à la vente de thé Pu’er dont la région est grande productrice et dont nous ne tarderons pas à expérimenter le rituel de consommation.



Jianshui, la découverte de l'ancien


C’est en fin d’après-midi, après 10h de bus, que nous atteignons la ville de Jianshui. On s’attendait à une petite bourgade, mais à la vue des gratte-ciels en série on comprend qu’il n’en est rien. Etant donnée la population chinoise les villes comptent très très vite des centaines de milliers de personnes, voire des millions. Donc Jianshui est effectivement une petite ville mais à l’échelle chinoise. Autre surprise, là où généralement, le centre ville rime souvent avec centre historique, il n’en est pas de même en Chine. Ici, il est assez fréquent qu’un vieux centre historique ait été conservé et restauré mais que le cœur dynamique de la ville se soit déplacé en même temps que la ville s’est agrandie. Le nouveau centre s’installant dans une partie plus moderne répondant aux exigences des nouveaux modes de vie et de consommation. On est donc bon pour 5kms à pieds pour rejoindre le vieux centre.

Nous sommes accueillis dans notre auberge par Xu shi, le propriétaire, dont l’anglais est à couper au couteau mais la gentillesse sans faille. Le lendemain il nous conduit dans un petit quartier où plusieurs puits sont accessibles aux habitants qui viennent y puiser leur eau quotidienne dans de gros jerricans. Des poissons se meuvent tranquillement dans l’eau ce qui signifie selon Xu Shi qu’elle est propre à la consommation. On se plie donc à la coutume, mais comme les chinois, nous la faisons bouillir avant de la boire. C’est d’ailleurs pour cette raison que de nombreux chinois ont pris l’habitude de boire leur eau uniquement chaude. Nous continuons notre ballade dans ce vieux quartier encore dans son jus avec ses habitations traditionnelles. C’est calme à cette heure-ci mais l’on sent que derrière les murs il y a de l’agitation. Le quartier concentre de nombreuses fabriques de tofu, ingrédient incontournable de la cuisine chinoise. On jette un œil dans les petits ateliers donnant sur la rue où travaillent principalement des femmes. On finit par rentrer dans l’une de ces fabriques où l’on peut observer le processus de production et goûter à quelques échantillons. N’étant pas de grands amateurs de tofu, on ne peut pas dire que la dégustation ait été une révélation, liquide ou solide pour nous le tofu est définitivement insipide. On fait un détour par le marché des fermiers du coin où règne une joyeuse ambiance. On y retrouve des stocks impressionnants de tofu que les gens achètent en quantité et des étales de nouilles à base de pate de riz aux déclinaisons variées.



Le centre historique de Jianshui se révèle être une petite merveille architecturale. Délimité par un mur d’enceinte et accessible via 4 « portes » massives en pierre, les rues et ruelles affichent une jolie harmonie avec des maisons à la structure mi-pierres, mi-bois sculpté et aux façades peintes de fresques charmantes et colorées sur lesquelles sont installés de jolis volets. Les toits de tuiles grises semi cylindriques dont les arrêtes se courbent aux extrémités ajoutent encore au pittoresque de l’ensemble. On pourrait se croire à une autre époque. Plusieurs temples se cachent derrières des portails de bois raffinés et affichent eux aussi de merveilleuses réalisations. Quelques vieillards viennent y trouver la tranquillité aux côtés des rares moines qui y habitent.

A l’extérieur de la ville, au-delà des potagers qui l’entourent, on découvre un autre édifice qui nous renvoie lui aussi à cette époque passée qu’on imagine concomitante à notre Moyen-Age. Le très beau pont du double dragon n’est plus utilisé aujourd’hui mais reste une attraction locale et touristique. On sent ici et plus largement au Yunnan, qu’un effort est fait pour la préservation des monuments anciens devenus de solides arguments de développement économique à l’heure où le tourisme prend de plus en plus de poids en Chine.



Le soir nous retrouvons Xu Shi et quelques clients permanents de son hôtel qui nous convient à partager leur dîner, ce qu’on accepte avec grand plaisir. Chacun pioche dans les plats pour accompagner sa ration de riz. C’est bien épicé et nos nez ne tardent pas à couler. Visiblement c’est le cas pour eux aussi, leurs fronts perlant abondamment. Nous finissons le repas par une dégustation de thé Pu’er. Aux dires de notre hôte et de ses amis, c’est le meilleur du monde. Plus qu’une tasse de thé, nous assistons à un rituel. Tous assis autour d’une table, l’un des clients se positionne en maitre de cérémonie. Après avoir prélevé au couteau une certaine quantité de thé dans une galette, il commence par le faire infuser dans une tasse dont il filtre et verse rapidement le contenu dans une petite théière transparente. Il réitère l’opération jusqu’à ce que la théière soit pleine, puis nous sert dans de minuscules coupelles. A peine vidées, elles sont de nouveau remplies. Cela dure pendant près d’une heure. Nous discutons de tout est de rien, expérimentant l’un des standards de vie dans cette région de Chine. A la demande de nos hôtes, je m’essaye à l’exercice avec un peu de pression je l’avoue. Tous les chinois autour de la table sortent leurs téléphones et immortalisent les 5 minutes que dure l’opération. Ils se partagent directement leurs captures via We Chat, notre Whatsapp à nous, l’application servant absolument pour tout en Chine. Ca nous fait bien rire.


On quitte la table pour suivre Xu Shi qui veut nous emmener voir le nouveau marché de nuit situé dans la ville moderne. Flambant neuf, immense et illuminé de milliers de lanternes, on est encore une fois très impressionnés par les moyens colossaux déployés par les chinois. C’est une population aisée et nombreuse que l’on croise dans cette espèce de décor hollywoodien à mille lieux de l’image austère que l’on pouvait avoir de ce pays. Il nous semble que les villes chinoises sont plongées au même titre que les villes occidentales dans l’empire du consumérisme et de la modernité, à ceci près qu’ici les robinets paraissent intarissables. Tout change et se développe. C’est à vous donner le vertige.



Yuanyang et ses rizières spectaculaires


On peut dire qu’on aura vu de belles rizières au cours de ce voyage mais on était très loin d’imaginer à quel point les rizières en terrasses de Yuanyang dépasseraient le champ des possibles dans ce domaine. Ce site, inscrit à l’UNESCO, est le fruit du travail dantesque de plusieurs ethnies locales, notamment les Hani, qui ont façonné la quasi intégralité des flancs des montagnes environnantes pour en faire des rizières. Le résultat est sensationnel. Déjà en raison de la diversité des formes données aux bassins, tantôt larges, tantôt étroits, tantôt longs qui dessinent un ensemble en escalier d’une esthétique prodigieuse mais qui de surcroit à cette époque de l’année où les bassins sont remplis d’eau, opère un effet de miroir à couper le souffle. Dans certains bassins des algues se sont développées et forment des tâches de couleurs violette, verte ou bleu-gris.



Par chance, nous ne sommes pas en période de vacances pour les chinois, nous profitons donc pleinement du lieu. Des sentiers ont été aménagés au cœur des rizières, passant d’un flanc à l’autre de la montagne et traversant des petits villages dont l’architecture diffère selon l’ethnie et dans lesquels la vie bat son plein. En sus des paysages et des panoramas fantastiques on assiste à des festivités et notons quelques coutumes locales. Par exemple, l’entrée du village est encadrée de part et d’autre de deux piquets reliés par une corde et en haut desquels sont empalés des animaux « sacrifiés », notamment des chiens. Durant l’une de nos randonnées, nous assistons au dépeçage et à la découpe de plusieurs buffles et d’un porc dont la viande est partagée entre tous les villageois à l’occasion d’une fête importante. Tout le village ou presque participe au labeur. Les tenues traditionnelles et la physionomie particulière de cette population des montagnes sont emmènent bien loin de la Chine des villes.




Les terrasses de Yuanyang ne sont réellement connues du grand public que depuis 2013, mais depuis lors, les investissements ne cessent d’affluer. Certains villages sont rénovés et donnent l’impression d’une mise en scène dans laquelle les communautés locales sont intégrées de facto. Les autorités semblent mettre un point d’honneur à promouvoir les minorités du coin mais ça provoque en nous une étrange impression de musée humain. Des aménagements considérables ont été faits et d’imposantes plates-formes aux tarifs prohibitifs ont été construites aux meilleurs spots pour le plus grand bonheur de nombreux touristes chinois qui s’y arrêtent armés de leurs énormes objectifs. Le résultat n’est pas vilain mais disons qu’on se demande comment ça va tourner et puis ça donne à réfléchir sur les différences notoires qui peuvent exister entre les chinois dans ce pays prétendument communiste.



Toujours est-il que nous sommes éblouis par la beauté du lieu. Bien installés dans une guesthouse tenue par une famille adorable, on partage notre temps entre randos et détente sur le toit de l’hôtel d’où l’on profite encore une fois d’un panorama superbe en bonne compagnie.



Weishan et sa montagne de temples, Weibaoshan


Nous continuons notre découverte du Yunnan en nous rendant à Weishan, une toute petite ville voisine de la très touristique Dali sur laquelle nous avons préféré faire l’impasse. Bien nous en a pris, puisque Weishan se révèle être un endroit charmant et vide de touristes à cette époque de l’année. Il faut dire que la question du tourisme nous faisait un peu peur avant d’arriver en Chine. Les échos que nous avions n’étaient vraiment pas vendeurs, le touriste chinois trimbalant une réputation peu flatteuse, supposé bruyant, envahissant, peu respectueux, sale, etc. Il se trouve que les rares touristes chinois que nous croisons sont super sympas et loin de l’image que l’on en fait. Quant aux locaux, certes certains se raclent la gorge un peu bruyamment, mais nous sommes toujours reçus avec le sourire et de gentillesse partout où l’on passe. C’est une révélation pour nous.



Weishan donc. Petite cité de caractère très bien préservée, on y retrouve le style d’architecture de Jianshui avec quelques variantes. Un parc très fleuri fait figure de petit poumon vert au centre de la ville. Abrités sous de jolis kiosques ou à l’ombre des arbres en fleurs, des dizaines de vieux s’y retrouvent tous les jours pour jouer aux cartes ou au Mahjong. De nombreux badauds se regroupent autour d’une partie, chacun allant de son petit commentaire sur la stratégie à adopter. On est frappés de voir à quel point le 3ème âge en Chine est actif et nombreux. Il sont partout, ils jouent, ils dansent, ils discutent sous un perron. En fin d’après-midi, tout le monde se retrouve sur la grande place ou dans les rues principales.



Nous profitons d’être à Weishan pour nous rendre très tôt le matin sur la montagne de Weibo, particulièrement renommée pour ses temples taoïstes. Comme souvent, une balade a été aménagée et fait le tour de la montagne en passant par les différents temples dont la visite dépasse de loin nos attentes. Ce sont des merveilles. Nous accompagnons l’ouverture des premiers temples où vivent 1 ou 2 personnes, de vieilles femmes ou des moines. Il n’est pas encore 8h, l’atmosphère est paisible, le soleil levant filtre à travers la forêt qui nous entoure. C’est magique. Seuls sur le sentier, on est en train de tomber amoureux du Yunnan.




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