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  • Photo du rédacteurM&S Brichart

Inde #3 - De l'Himalaya au Gange

Dernière mise à jour : 17 déc. 2018

Du 24 novembre au 1er décembre



Nous voilà déjà fin novembre, et bien que la saison soit peu propice aux treks et autres randonnées, certaines routes et zones étant rendues inaccessibles par la neige et le froid, nous continuons de nous enfoncer dans les montagnes pour nous frotter plus sérieusement à l’Himalaya.


Nous souhaitons nous rendre à Chopta, un minuscule hameau très loin dans l’Uttarahkand. Depuis Mc Leod Ganj nous mettons déjà plus de 24h pour arriver à Ukhimath, dernier village avant Chopta. Fatigués après une nuit aussi courte qu’inconfortable en bus de nuit enchainée par une journée interminable sur des routes de montagne, cabossées, poussiéreuses et encombrées, nous décidons de nous y arrêter pour la nuit. Au loin, une chaine de montagne aux sommets enneigés et rosés nous fait de l’œil sous le soleil couchant, pendant qu’autour de nous, tout le petit village s’agite avant la nuit complète. On se sent déjà coupés de tout ici, sans internet et sans touristes, perdus dans les montagnes.



Ukhimath, une belle surprise


Au lieu d’une seule nuit prévue, nous en passerons finalement trois à Ukhimath. Encore fatigués par le voyage de la veille, nous profitons d’une belle journée pour récupérer, faire un brin de lessive et explorer ce petit village à flanc de montagne tout en terrasses. C’est d’ailleurs toute la vallée qui est façonnée de la sorte. Depuis les rives du Gange en contrebas jusqu’aux crêtes encore vertes, l’homme est venu terrasser la pente pour y cultiver toutes sortes de légumes ou y faire pêtre ses bêtes. Cela donne au paysage un côté très bucolique. On a du mal à imaginer la masse de travail que cela a du nécessiter, sans parler de l’entretien au jour le jour tant ces terrasses agricoles sont omniprésentes dans cette région escarpée.


Alors que nous descendons dans le village, nous constatons que l’animation et le bruit gonflent de plus en plus. Nous suivons le flot des personnes en empruntant de petits chemins étroits qui serpentes entre maisons et terrasses pour finalement arriver à l’épicentre de l’activité. Nous sommes alors à proximité d’un temple hindou, dont le périmètre alentour est saturé de monde. Pas un mètre carré n’est libre, le moindre espace étant pris d’assaut par des vendeurs en tout genre ou des boui boui qui servent de la friture. Un peu étonnés par toute cette agitation, nous restons là un moment à regarder la scène jusqu’à ce qu’un jeune homme vienne nous expliquer qu’en ce dimanche 25 novembre, le village est en fête. Une sorte de kermesse qui s’étend de manière un peu anarchique autour du temple et sur une grande esplanade est organisée et rassemble tous les villageois.

A l’intérieur du temple a lieu l’une des cérémonies les plus importantes de l’année. En effet, aux premiers froids de l’hiver deux statues de divinités sont rapatriées des montagnes pour être gardées bien au chaud dans le temple d’Ukhimath. Les pèlerins et les villageois sont donc très nombreux à venir prier dans le temple où des processions sont dirigées par des prêtres hindous au son frénétique des tambours. La décoration toute en feuilles de palmiers et guirlandes de fleurs orangées apporte une touche très joyeuse à l’enceinte du temple dans laquelle se presse une foule tout aussi colorée assise ou debout attendant patiemment la prochaine procession. Le résultat de cette scène est saisissant avec en toile de fond les montagnes escarpées et blanches de l’Himalaya.



Un peu plus haut, la kermesse bat son plein. Il nous faut jouer des coudes pour accéder à l’esplanade tant il y a du monde sur le chemin. On y trouve quelques stands tendus à l’aide de grande tentures raillées et dont la plupart n’ont vraisemblablement aucune utilité puisque rien ne s’y passe. Les autres exposent deux, trois bricoles mais n’intéressent pas grand monde. Ca nous inspire un peu une fête foraine d’un autre temps. Au centre de l’esplanade trône un grand chapiteau sous lequel est installée une scène où se succèdent les différents performeurs, chanteurs ou danseurs. Assis à côtés de la scène, une vingtaine de bonhommes, grosse cocarde bien en évidence sur le veston, paraissent être les personnalités importantes. Les indiens sont toujours très attachés au statut social des individus que ce soit dans le monde professionnel et éducatif, dans le domaine publique ou privé. Avant chaque prestation, au moins 3 interlocuteurs différents se passent la parole pendant de très très longues minutes. On en peut plus au bout de 15 minutes surtout que le son est infâme, mais les indiens eux y semblent indifférents. Enfin la performance commence, la chanteuse est rapidement rejoint par une petite troupe de danseurs traditionnels. Les 10 techniciens du son jouent pendant plusieurs minutes avec les réglages, alors même que la performance a lieu, mais sans succès. Du coup, là aussi le son est insupportable ce qui nous fait fuir plus loin.

On n’atterrit finalement au terrain de volley où se déroule une compétition très sérieuse. Certaines équipes se défendent plutôt bien devant l’œil des juges et spectateurs. On profite à fond de cette journée de festivités collectives qu’on a rarement l’occasion de voir en Inde dans ces proportions. Et comme ici on vit au rythme du soleil, alors que ce dernier commence à se coucher, la fête se termine tranquillement et le village regagne son calme. Le froid lui reprend de l’intensité, ça caille !



Chopta, on voit le toit du monde


Le lendemain nous partons pour Chopta, point de départ d’une randonnée sensée offrir un point de vue exceptionnel sur plusieurs sommets de l’Himalaya. Faute de transports communs, nous engageons les services d’une jeep pour nous y conduire. Ces mêmes jeeps qui font office de bus collectif, sont normalement remplies à raz bord pour partager le coût entre les usagers, mais il semblerait que les gens d’ici ne souhaitent pas que les touristes en fassent de même, même après d’âpres négociations. Tant pis pour nous, il faut bien faire marcher le business. La route est sinueuse et quasi déserte, les paysages automnales et lumineux. Les terrasses s’effacent pour laisser leur place à des forêts de pinèdes et des falaises rocheuses.

Arrivés à Chopta, espèce d’hameau improvisé constitué de baraques et d’hôtels de fortune, nous avons gagné 1000m de dénivelé. Une balade un peu plus loin sur la route nous fait passer un col et découvrir une étendue de montagnes en contre-bas enveloppée par une brume bleuté. C’est splendide et prometteur pour le lendemain. On reste tout l’après-midi à contempler les alentours de Chopta dans un silence complet. Rarissime en Inde. Le soleil est de la partie mais les températures elles restent fraiches, surtout la nuit pendant laquelle on se gèle dans notre chambre aux murs de pacotille. Le soir, nous nous réchauffons autour du feu à l’invitation de notre cuistot, un des gars qui vit au hameau dans des conditions vraiment précaires. Ce dernier cuisine sous nos yeux une petite soupe et un délicieux dal (lentilles) accompagnés de chappathis tout chaud. Un régal. A Chopta, pas d’électricité mais quelques panneaux solaires qui permettent de fournir de quoi éclairer les quelques ampoules le temps de la nuit.


Le matin suivant nous partons tôt à l’assaut le sommet du Chandrashila dont une partie du chemin est aisée puisqu’annuellement empruntée par de nombreux pèlerins pour rejoindre le temple situé en contre-bas, déserté à cette époque de l’année. Le temps est clair et à mesure que nous montons nous découvrons de plus en plus de monts enneigés. De grands rapaces à tête blanche dont l’envergure est gigantesque planent sur les courants chauds. Alors qu’on approche des 4000m, nous croisons une colonie de singes qui descend tranquillement. A la vue de leurs silhouettes touffues on les prendrait presque pour chiens. Arrivée tout en haut, la vue est époustouflante et nous offre un panorama à 360° sur les chaines de montagnes alentours dont certains sommets flirtent avec les étoiles. Plusieurs culminent au-delà des 7000m dont le Nanda Devi à 7800m. Magnifique. On a du mal à décrocher et restons près de deux heures au sommet.



Le lendemain nous faisons le chemin du retour vers Ukhimath à pieds ce qui nous permet d’avoir un meilleur aperçu de la vie dans la vallée et d’observer des scènes pittoresques. On croise notamment de nombreux paysans et paysannes portant d’énormes ballots de foin sur leur dos vouté afin de faire passer l’hiver au bétail. Le temps est plus couvert. On se dit qu’on a eu de la chance la veille. On commence à sentir nos jambes sur les derniers kilomètres et nous réjouissons à l’idée de nous poser à nouveau à Ukhimath. Après 28km avec nos gros sacs sur le dos, on est cuits.



Rishikesh, Krishna, Krishna, Brama, Brama


Après Amritsar et Mc Leod Ganj, nous voilà cette fois-ci dans un haut lieu religieux hindou, Rishikesh, ville située sur les rives du Gange. A l’instar de la grande sœur Haridwar qui rassemble des millions de pèlerins sur ses ghâts chaque année, Rishikesh accueille, elle aussi, nombreux pèlerins venus se baigner dans les eaux saintes du Gange. Ses berges sont aménagées à cet effet en larges escaliers qui plongent dans l’eau et que l’on appelle ghâts. La ville est aussi très réputée pour ses nombreux ashrams, lieux de retraite spirituelle ainsi que pour sa pratique du yoga et pour les activités nautiques tel que le rafting.


En se promenant dans le vieux quartier, situé de part et d’autre du Gange, et où sont concentrés les principaux ashrams et ghâts, nous observons les rituels hindous exécutés par les pèlerins venus tout spécialement des quatre coins de l’Inde. On croise aussi beaucoup plus qu’ailleurs des prêtres vêtus de tenues safran, souvent des haillons, un foulard enroulé autour de la tête, le front peint assis sur le bord des routes ou sur les marches des ghâts, leur aubol posée au sol. En principe, ces hommes sont sensés méditer et prier toute la journée et vivre de la générosité des fidèles. Mais en pratique ils paraissent avoir une existence très difficile. Certains prêtres ne payent vraiment pas de mine et s’apparentent davantage à des mendiants. L’atmosphère de ce coin de Rishikesh est plutôt calme même si comme souvent en Inde on est rapidement excédé par le bruit des klaxons de moto qui se faufilent partout, même sur les ponts piétons enjambant le Gange. On a parfois envie de leur crever les pneus.


Tous les soirs de la semaine, des cérémonies sont organisées par des ashrams au bord du Gange. Nous assistons à l’une des plus réputées à Rishikesh qui voit affluer chaque soir de nombreux indiens mais aussi des étrangers très souvent occidentaux en pleine quête spirituelle et dont la ville grouille. Le cérémoniel qui est tous les jours le même est parfaitement exécuté par les membres de l’Ashram. D’abord une trentaine de jeunes garçons, des novices, eux aussi vêtus de tuniques safran, arrivent en chantant et se placent sur les marches au bord du Gange. Les visiteurs et les fidèles s’installent à leurs côtés. Les novices continuent de chanter les mantras hindous et sont rapidement rejoints par deux vrais chanteurs et des musiciens. Peu à peu, l’atmosphère change et gagne en ferveur au son de l’harmonium, des différents types de percussions et des voix harmonieuses. Ici on parle d’énergie. Deux papys hindous assis juste devant nous sont surexcités et chantent tout en filmant maladroitement la scène. Les indiens, à part les plus miséreux, sont très connectés.

Trois groupes composés de visiteurs/fidèles et de novices s’accroupissent chacun autour d’une cuvette dans laquelle crépite un feu. C’est ici que se produit réellement la cérémonie durant laquelle sont réalisées des offrandes de fleurs et d’épices à l’effigie de Krishna. Le rituel se termine par la distribution dans l’assemblée de grandes lampes à huiles dorées illuminées. Les gens se bousculent pour pouvoir les faire tournoyer dans les airs ou pour s’appliquer sur la tête la fumée produite par les bougies. Cette ferveur soudaine et étrange nous laisse perplexes.



S’en suit une session d’échanges entre une femme (américaine), sorte de disciple du guru de l’ashram, et un public plus restreint durant laquelle elle répond aux questions des fidèles en développant des enseignements spirituels. Simon s’abstient ayant eu sa dose. Je me rends à cette session appelée Sat Sang, libre d’accès et filmée intégralement probablement pour être diffusée auprès des fidèles dispersés dans le monde entier. J’avorte un peu la séance au bout d’une heure, la tête farcie mais avec une meilleure idée de ce que peut être le type de convictions et de messages qui sont soutenus ici. Bien sûr, je ne suis pas objective et il faudrait approfondir le sujet mais selon moi, les paroles données pendant cette session sont légèrement illuminées même si elles reposent sur des principes que je juge de bon sens. Ici on est un peu dans le monde des bisounours. Ca ne nous parle pas personnellement mais l’essentiel c’est que ça apporte quelque chose de bénéfique à certaines personnes qui en ont besoin, et c’est visiblement le cas.


Après deux belles semaines dans le nord à vadrouiller, nous posons nos sacs à dos à Dehra Dun pour un volontariat. On vous en parle bientôt !


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