top of page
  • Photo du rédacteurM&S Brichart

Inde #2 - Le Nord enchanté

Du 19 au 23 novembre


Immense, bouillant, imprévisible, parfois gênant, le nord de l’Inde ne laisse personne indifférent. Selon nous, il présente réellement toute l’étendue de la culture indienne avec son lot de surprises et son empreinte religieuse et spirituelle omniprésente. Mais le nord, celui des montagnes, est encore une autre facette de cette Inde plurielle. On vous en parle en deux fois car on a trop de choses à dire.

C’est donc au départ de Kochi que nous prenons la direction du nord indien où nous faisons étape en premier lieu à Amritsar, au Punjab, capitale religieuse et emblématique de la communauté sikh.



Amritsar, le Golden Temple et les Sikhs, un monde unique


Cela faisait bien longtemps que l’on caressait l’idée de se rendre à Amritsar, non seulement pour admirer le joyau architectural que représente le Golden Temple, mais aussi pour s’immerger dans l’univers si particulier des Sikhs qui laisse en vous une sensation que l’on oublie pas. J’avais déjà passé plusieurs jours dans un temple sikh à Gwalior, en Madya Pradesh, lors de mon semestre en Inde. Ces 3 jours m’avaient profondément marqué tant l’accueil y avait été chaleureux, simple et bienveillant. Logé et nourri, tout visiteur sikh ou non sikh est le bienvenu.


Amritsar et le Golden Temple ne dérogent pas à la coutume sikh. A peine sortis de l’aéroport, nous profitons d’une navette gratuite qui nous conduit directement aux abords du Golden Temple. En attendant le départ nous observons les retrouvailles entre amis et familles sikhs à la sortie de l’aéroport. Beaucoup sont très émus et se pressent vers leur proche de retour, et bien que la pudeur veuille que chacun garde une certaine distance, quelques accolades rapides mais intenses scellent la joie de se retrouver. Ce genre de comportement est assez inhabituel, les indiens sont souvent très discrets voir muets quant à leurs sentiments personnels. On remarque également la répétition d’un geste que perpétuent les plus jeunes face à leurs ainés devant lesquels ils s’inclinent pour leurs toucher le pied ou le genou en marque de respect.


Après une petite heure de route, nous arrivons au cœur de la ville. On note tout de suite la différence avec le sud. Il fait bien plus doux et la lumière est comme voilée. A part le temple et les nombreux bazars qui l’entourent, la ville d’Amritsar n’est pas très jolie. On se dirige donc rapidement vers l’un des édifices blanc faisant face à l’une des entrées du temple. C’est dans ce bâtiment que les visiteurs étrangers sont gentiment accueillis dans un dortoir sommaire mais convivial en échange d’une donation facultative et à la discrétion de chacun. En fait, plusieurs bâtiments comme celui-ci, sur plusieurs étages et très profonds, accueillent les milliers de pèlerins tous les jours. Une fois toutes les chambres et dortoirs remplis, des centaines de familles s’installent à même le sol dans les couloirs ou dans l’immense cour intérieure.

Passés la porte d’entrée, où sont postés des gardiens sikhs très reconnaissables avec leur longue tenue bleu, leur turban jaune et leur grande lance à la main, on assiste à un défilé continu de personnes, des vieux et des jeunes. C’est une vrai fourmilière. Un des gardiens nous fait rapidement le tour du propriétaire après nous avoir enregistrés. Le fonctionnement est assez simple et repose entièrement sur le bénévolat. Sanitaires et espaces communs sont nettoyés et gérés par les pèlerins eux-mêmes qui rendent ainsi service à la communauté. Il en va de même pour les gardiens, de jeunes hommes qui se portent volontaires pendant quelques mois et veillent à l’ordre et au respect des consignes dans l’enceinte du temple et ses annexes.


Alors que le soleil commence à décliner, nous nous couvrons la tête d’un foulard et nous déchaussons avant de rentrer dans le temple auquel on accède par deux grandes entrées. La nôtre donne directement sur le temple doré qui se profile dans le fond, posé au milieu d’un bassin carré où les fidèles viennent s’immerger.

Avant d’arriver à proprement parler dans l’enceinte, nous passons à côté d’un grand bâtiment en rénovation qui sert de réfectoire et où défilent des milliers de pèlerins de 5h à 23h. Le service est gratuit et une fois de plus géré par des volontaires. Nous aurons droit à une visite complète du lieu le matin suivant par un charmant monsieur venu à notre rencontre. Le repas est basique mais nourrissant et réalisé par des dizaines de petites mains, une belle équipe de femmes pour les chappattis, dont elles remplissent d’énormes paniers à la chaine, et des hommes aux fourneaux pour le riz et les dals confectionnés dans des récipients de géants.

A l’entrée du bâtiment, les pèlerins se voient distribuer un plateau, un bol et une cuillère en métal et sont dirigés vers l’une des salles où l’on s’assoit par terre les uns à la suite des autres. Deux à trois cent personnes tiennent aisément dans chaque salle. Une fois assis les jambes croisées car c’est une règle dans toute l’enceinte du temple, le balais des bénévoles commence pour distribuer et redistribuer à tous de bonnes portions. Les mains se tendent devant le visage pour recevoir les chappattis avec reconnaissance. Dès qu’une salle est remplie, on en ouvre une autre et on attend que la première se soit vidée pour la nettoyer intégralement avant d’accueillir de nouveaux affamés. La mécanique est vraiment bien rodée, ça s’enchaine très vite et sans couacs. Le repas avalé, on amène son couvert à la vaisselle où une fois de plus, des dizaines de personnes sont là pour tout faire à votre place. Le bruit des plateaux qui s’entrechoquent est assourdissant.

D’abord, on se sent un peu gênés de profiter de cette cantine géante et puis finalement on se fond rapidement dans le mouvement devant le regard amusé et curieux de nos voisins « de table » sikhs, hindous ou musulmans. Tout le monde vient ici.


Ce sont deux belles surprises que nous avons eu en faisant à peine 30 mètres, deux surprises qui démontrent déjà la grande hospitalité et générosité des Sikhs. 20 mètres de plus et nous entrons enfin dans l’enceinte du temple, dans le vif du sujet dirons nous. Ici, il est assez difficile de retranscrire l’émotion que l’on éprouve quand on voit le Golden Temple et le décor qui l’entoure. Emotion d’autant plus difficile à partager qu’elle découle en partie du fait que l’on est déjà dans un état un peu subjugué en raison de la philosophie du lieu et de son atmosphère générale si particulière, résultat d’un savant mélange entre architecture, musique ambiante, couleurs, luminosité, foule tranquille. Tout ça fait que c’est assez magique. Enfin nous on a trouvé ça magique et tout au long des deux jours que l’on y a passé, on a pas cessé de trouver ce lieu magique.


Evidemment, le temple doré, flamboyant à cette heure de la journée, est absolument magnifique et se reflète dans le miroir d’eau avec une douceur surréaliste. L’enceinte carrée, constituée de grands bâtiments tout blanc, qui l’entoure confère à l’endroit, pourtant très visité, un côté intime et une grande tranquillité. Un large tapis rouge est posé tout autour du bassin sur le marbre blanc et glacé pour éviter aux visiteurs de glisser ou de prendre froid. Il apporte de la chaleur à l’ensemble. Autre facteur de chaleur, la foule. D’abord les sikhs puisque les hommes portent de très beaux turbans de toutes les couleurs sur la tête et des tenues blanches ou colorées et les femmes dont les saris rivalisent de beauté. Mais au-delà des sikhs, ce sont tous les visiteurs qui arborent des tenues et des turbans ou foulards colorés et qui apportent ainsi à ce lieu une dimension aussi visuelle qu’auditive et sensorielle. Une musique religieuse traditionnelle jouée et chantée à l’intérieur du Golden Temple par 4 musiciens est diffusée partout dans l’enceinte du temple. Dans plusieurs temples annexes, des prêtres, devant lesquels les gens s’assoient sur des tapis disposés au sol, lisent ou murmurent les textes sacrés.



Comme les fidèles, nous entrons dans la queue qui donne accès au temple via une passerelle au raz de l’eau. La file chantonne en même temps que les musiciens. On sent toute la ferveur des fidèles autour de nous et une fois à l’intérieur la magie opère de nouveau. La beauté, la richesse, le raffinement du temple nous fait papillonner des yeux. Interdiction de prendre des photos. Assis au sol, serrés les uns contre autres, les fidèles entourent sur les deux étages le chœur du temple où sont installés les musiciens, les prêtres et le livre le plus sacré de la religion sikh. C’est vraiment très très beau. De retour sur la « terre ferme », on nous distribue l’équivalent du corps du christ sikh, une petite portion de semoule sucrée.



A plusieurs reprises pendants ces 2 jours, on fait la connaissance de fidèles qui viennent volontiers nous dire deux mots ou même passer une bonne heure avec nous. Les sikhs sont très ouverts et curieux concernant les étrangers. Après avoir longtemps été persécutés par les chefs hindous et musulmans, ils ont finalement trouvés leur place dans la société où ils réussissent plutôt bien, souvent comme commerçants. Bien qu’ils ne représentent que 2% de la population indienne cela fait tout de même 25 millions de personnes sans compter une importante diaspora à l’étranger. Leur religion consiste en un mélange entre l’Hindouisme et l’Islam et a été créée par le Guru Nanak autour du 15ème siècle. Attachée à de nombreux symboles comme le port du turban, du sabre, ou par le fait de ne jamais se couper les cheveux ou la barbe, la communauté sikh continue de suivre les préceptes religieux avec beaucoup de rigueur et bien qu’ouverte sur le monde, elle n’en reste pas moins une communauté peu propice aux mariages et unions mixtes.


On profite d’être à Amritsar, située à une trentaine de kilomètres seulement de la frontière avec le Pakistan pour aller assister à une cérémonie qui marque la fermeture journalière de la frontière. Passeport de rigueur, entrée et gradin spécifiques pour les étrangers. De part et d’autre de la frontière, deux arènes se font face et encadrent la route, qui relie les deux pays, barrée en son milieu par d’imposantes grilles coulissantes. On arrive tôt pour être sûr d’avoir une place car l’évènement est très populaire, des milliers de personnes font le déplacement chaque jour pour venir supporter leur armée dans cet exercice cérémoniel un peu particulier.



C’est clairement un concours de forces très théâtrale, limite comique entre les deux pays. Les militaires se mettent en scène sur de la musique pop crachée par des enceintes saturées à laquelle répond la foule indienne. Même chose côté pakistanais bien que l’on ne voit pas aussi bien ce qui s’y passe. Un militaire est chargé d’animer la cérémonie et de chauffer le public. Peu à peu les gradins se remplissent, l’excitation monte et les quelques pakistanais qui continuent de traverser la frontière se font copieusement siffler mais ça reste bon enfant.

Avant que les deux armées ne confrontent leurs chorégraphies orchestrées en simultanée, l’animateur invite les femmes à le rejoindre sur la route pour porter le drapeau indien. Elles sont nombreuses à s’exécuter sous les applaudissements et les cris d’encouragement de leurs concitoyens. Ca chante, ça danse, il y a une ambiance de fête. Les foules rivales se répondent en scandant des slogans nationalistes ou en applaudissant le plus fort possible. La rivalité historique entre les deux pays prend des allures de match de foot ce qui nous amuse beaucoup. Finalement, la cérémonie dure une petite heure et se conclue alors que le soleil passe derrière l’horizon. Impossible d’imaginer une seule seconde la même chose en Europe.



Après avoir bien profité d’Amritsar, nous quittons le Punjab pour nous rendre encore un peu plus au nord, en Himachal Pradesh, dans une ville à la notoriété mondiale puisque c’est ici que le gouvernement tibétain exilé s’est installé, McLeod Ganj, tout proche de Dharam Sala.



McLeod Ganj, des airs de Tibet


A mesure que l’on monte en altitude, les degrés dégringolent. Ici aussi, l’hiver prend ses marques. Située à l’entrée de l’Himalaya, Mc Leod Ganj est une petite ville de montagne bien particulière en Inde puisqu’elle abrite une importante communauté tibétaine exilée, venue rejoindre son chef spirituel et politique, le Dalaï Lama. On est bien loin de Lhasa, la magnifique capitale tibétaine perchée sur le toit du monde, cependant Mc Leod Ganj a tout de même pris les traits d’une ville tibétaine au fur et à mesure des années et des nouveaux arrivants.

Depuis l’exile du Dalaï Lama, en 1959, contraint au départ dans le secret et dans des conditions extrêmement périlleuses, du fait de la pression croissante exercée par les autorités chinoises, des milliers de tibétains persécutés dans leur pays se sont réfugiés en Inde et notamment à Mc Leod Ganj. La culture tibétaine y est donc omniprésente, temples et monastères se sont installés et accueillent de nombreux moines et novices. Beaucoup de commerces et restaurants sont gérées pas des familles tibétaines, mais il semble qu’il y ait tout de même une grande précarité pour certains. Ce sont donc des visages et des costumes différents que l’on découvre ici. Tuniques bordeaux, crânes rasés, colliers de prières à la main, yeux bridés, visages ronds et silhouette plus trapue, la population tibétaine s’est intégrée au fil du temps au sein de la population indienne originaire.


Le monastère où vit le Dalaï Lama est ouvert au public, mais ses quartiers personnels, eux, sont fermés et gardés avec vigilance car la situation entre les militants pour un Tibet autonome et la Chine n’est toujours pas réglée, loin de là. C’est d’ailleurs un drame humain et culturel qui se produit depuis plus de 70 ans au Tibet où la culture tibétaine est peu à peu effacée. D’abord envahi militairement, la région tibétaine connait depuis des décennies et sous l’impulsion du gouvernement chinois, un mouvement de population qui l’affecte terriblement puisque l’ethnie majoritaire chinoise, les Hans, s’y installe en masse ce qui a pour conséquences de fracturer et d’affaiblir la communauté tibétaine. Celle-ci n’a d’ailleurs pas le droit de s’exprimer et de pratiquer son culte librement, ni de faire valoir ses spécificités culturelles. Des centaines d’immolations de jeunes moines ces dernières années ont alerté l’opinion publique sur ce qu’il se passe au Tibet mais rien ne bouge pour autant.

Le musée installé à l’intérieur du monastère éclaire le visiteur de manière admirable sur l’histoire récente du Tibet ainsi que sur ses coutumes ancestrales et ses combats actuels. Bien qu’on ait connaissance de la situation depuis longtemps, nous n’avions pas pris la mesure de la chose jusqu’à cette visite. On a été assez bouleversés par cette réalité sombre et par le témoignage (vidéo) poignant du Dalaï Lama dont la clairvoyance, l'intelligence et la bonté naturelle donnent à réfléchir.

Le vieil homme porte là un lourd fardeau et une grande responsabilité, tant la communauté tibétaine voit en lui son salut. Malheureusement, les négociations n’avancent pas et les exilés tibétains ne peuvent toujours pas rentrer chez eux, la Chine attendant la disparition prochaine du Dalaï Lama dont la notoriété mondiale complique les choses pour eux.



De Mc Leod Ganj nous partons pour une grosse et très belle randonnée qui nous fait monter jusqu’au Triund et sa snow line à 3100m et depuis lesquels on donne directement sur le Mun Peak, une énorme montagne enneigée qui culmine à 4600m d’altitude. On est alors aux portes de l’Himalaya mais on se régale déjà de paysages époustouflants. La descente, toute en crête, aura eu raison de nos forces et de notre sens de l’orientation puisqu’on a quand même réussi à se perdre.

Délicieux momos, soupes tibétaines et grand froid auront été au menu de cette étape en montagne vivifiante et passionnante où nous avons logé dans un petit monastère aux côtés de moines tibétains pas franchement loquaces mais sympathiques. On y retournerait bien.


On continue notre périple plus loin dans l'Himalaya, direction Chopta.

116 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page