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  • Photo du rédacteurM&S Brichart

Portrait #3 - "Let's bring the change"



Les voilà, les deux frangins, fanatiques de momos, sorte de raviolis vapeur tibétains, avec qui nous avons passé deux semaines géniales et fortes en émotions à la fin de notre passage en Inde. Deux semaines pendant lesquelles ils nous ont fait partager leur quotidien avec beaucoup de plaisir et de simplicité, tout en nous ouvrant les yeux sur l’une des plus grosses problématiques du pays, l’immense précarité des enfants des bidonvilles. On vous raconte cette quinzaine dans un autre article, juste ici.


Avec quelques jours de recul, on prend réellement conscience que Deepak et Jyoti nous ont donné une sacrée leçon d’humilité et d’engagement. Très proches et complémentaires, ils ont su trouver leur équilibre pour faire de cette fondation une seconde chance pour ces enfants dont il est difficile d’imaginer à quel point leur quotidien est un combat de tous les jours. Où la petite de 5 ans est responsable des plus petits qu’elle, où le chômage et les salaires de misère avortent tout projet vers l’avenir, où l’alcool et la violence sapent les relations familiales et font de l’enfance une période où il faut se battre pour survivre avant même de penser à se construire.


Aujourd’hui âgés respectivement de 26 et 23 ans et ayant fait des enfants leur priorité numéro 1, Deepak et Jyoti sont désormais actifs à plein temps au sein de la Fondation. Ils accueillent 7jrs/7, 365jrs/365 ces enfants des rues qui trouvent dans la maison Prathishtha de la joie et de l’attention. Deepak, Président de la Fondation, se charge notamment de la stratégie et des projets de long terme pendant que Jyoti s’implique davantage dans les activités au jour le jour. Tous deux animent avec beaucoup d’entrain, de chaleur et de bienveillance ces longues journées et soirées avec les jeunes. Pas avares en plaisanteries et taquineries, leurs rires fusent à longueur de temps pour le plus grand bonheur des petits et grands. Les deux frangins ne sont pas pour autant une copie conforme l’un de l’autre. Deepak exprime davantage sa spiritualité en chantonnant des mantras hindous du matin au soir et en remerciant toutes les choses positives qui l’entourent. Jyoti est peut-être un peu plus pragmatique et plus à l’aise dans l’échange avec les volontaires.



Leur engagement, bien qu’accepté par leur famille, n’est pas pour autant compris de leurs parents. Ces derniers jugent qu’ils devraient désormais se concentrer sur leur propre existence en trouvant un « vrai » emploi et en traçant leur route comme le voudrait la mécanique classique des choses. Loin d’être riche, la famille de Deepak et Jyoti appartient tout de même à une classe sociale, qui quoi que très modeste, assure une qualité de vie correcte ainsi que la poursuite d’études supérieures à ses enfants dont elle attend d’eux qu’ils reproduisent la même chose. Ainsi, après avoir vécu auprès de leurs parents une existence modeste mais heureuse, leur choix irrite quelque peu les projets familiaux et plus précisément ceux du père, prêtre hindou.


Deepak et Jyoti appartiennent à la caste des Bramans, la caste la plus élevée dans la religion hindou dont on rappelle qu’elle est la seule concernée par le système des castes. Mais comme elle représente 80% de la population, alors forcément ce système est quasiment généralisé. Or, la plupart des bramans, hommes et femmes, restent très attachés au respect de la hiérarchie entre les castes, surtout dans les générations les plus âgées. Certains hommes bramans, pas forcément prêtres, tiennent d’ailleurs à se distinguer des autres et à afficher leur rang en laissant dépasser à l’arrière de leur crâne une petite houppette de cheveux.


Jyoti nous raconte également que dès l’enfance, les indiens sont conditionnés par leur appartenance à telle ou telle caste. L’usage de surnoms spécifiques à certaines castes, sert à se distinguer les uns des autres. Dans les faits, nous n’avons jamais pu dire de quelle caste provenait notre interlocuteur, sauf les bramans avec la houppette. Nous n’avons jamais assisté à des rapports de forces entre castes. La barrière culturelle et la langue nous en empêchant. Toutefois, bien que les nouvelles générations remettent peu à peu en cause ce système archaïque et extrêmement inégalitaire, il n’en reste pas moins que la condition initiale de chacun détermine toute sa vie future et contraint ses possibilités notamment en terme d’emploi.


Evidemment, la misère dans laquelle vivent les enfants de la fondation et leurs familles est intimement liée à cet état des choses. La société indienne s’étant construite dessus, les inégalités et l’indicible précarité dans laquelle vivent des millions de personnes n’en est que le symptôme malheureusement bien établit en Inde. Cela induit la constitution de bidonvilles dans lesquels se regroupent les plus miséreux, à forcerie des intouchables. Deepak et Jyoti nous expliquent que ces bidonvilles se situent invariablement à proximité directe des quartiers plus aisés ou même très riches. Et c’est vrai que l’on observe qu’à côté d’une rue ou d’un pâté de maisons luxueuses, sont installées des minuscules baraques de bric et de broc collées les unes aux autres et où se serrent parfois 10 personnes dans une pièce ridiculement petite. Pas de cuisine, pas d’eau courante, pas de toilettes privées, pas toujours d’électricité ou 2 ou 3 ampoules ici et là, franchement l’horreur. Jyoti nous a conduit vers quelques « plots », des bidonvilles dans lesquels vivent plusieurs des enfants de la fondation et où nous avons croisés quelques uns des parents. Ainsi, à la richesse cohabite directement la misère. Et si les très pauvres sont admis ici c’est parce qu’ils sont les petites mains des plus riches. Femmes de ménage, maçons, charpentiers, cuisiniers, gardiens, agents de maintenance, ils ne comptent pas les heures en contre partie de paies qui ne leur permettent même pas de faire vivre leurs familles. Par exemple, l’une des familles que l’on connait dans laquelle les deux parents travaillent touche au mieux 200€/mois pour 6 personnes. Rien du tout. A l’issue de notre vadrouille avec Jyoti, on est complètement écœurés et à la fois on ne sait pas quoi faire.



L’engagement et la ténacité de Deepak et Jyoti nous semblent encore plus louables et courageux alors même que leur père, qu’ils respectent profondément, les aurait bien vu devenir prêtres comme lui, ou au moins l’un des deux comme cela se fait souvent dans les familles bramans. On est surtout admiratifs devant leur capacité à tous les deux à faire régner une ambiance festive et légère chaque jour de la semaine alors même qu’ils savent ce qu’y se passe une fois les enfants retournés chez eux. Souriants, bavards, gourmands, enthousiastes, ils gardent la pêche et le cap sans se couper du reste du monde, loin de là. Ils continuent d’aller voir leurs parents tous les jours, c’est d’ailleurs leur maman qui nous cuisine à manger matin, midi et soir, et de retrouver leurs amis régulièrement. Connectés sur les réseaux sociaux, ce sont des jeunes hommes de leur temps. Ils suivent d’ailleurs les actualités nationales et internationales avec intérêt. On aura même eu droit à des questions sur les gilets jaunes. Comme tous les indiens, ils sont fans des Marvel et disposent d’une belle collection de films de super-héros. Autant vous dire qu’on a pas eu beaucoup de succès quand on leur a fait visionner le documentaire sur Amy Winehouse. Les deux se sont endormis au bout de 10 minutes. Mais le meilleur restant que Deepak est un fan incontesté de Titanic. On décèle un gros coup de cœur pour Kate Winslet dont il parle avec des étoiles dans les yeux et un petit sourire crispé. Trop marrant.


En fin de compte, on est plus que ravis et chanceux d’avoir croisé la route de nos deux comparses indiens dont on ne va pas manquer de continuer à suivre leurs différents projets. On les remercie de nous avoir si bien accueilli et pour tout le reste.


Bravo bravo bravo les gars.


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